samedi 14 mai 2011

Tahrir perd le nord

La semaine aura été agitée au Caire. Samedi dernier, ce sont les violences confessionnelles du quartier populaire d'Imbaba, avec deux églises brulées, qui ont mis le feu aux poudres. Tous le monde le sait bien, les sbires de l'ancien régime attachés bec et ongles à leurs privilèges sont à l'origine de ces déchaînements de haine qui ont fait 15 victimes. Dés le lendemain des milliers d’Égyptiens, coptes et musulmans, ont pris place devant le bâtiment Maspero de la télévision publique pour manifester leur mécontentement quant à l'inaction des forces armées dans la protection de la minorité chrétienne du pays. Dimanche soir, les rues de la capitale étaient étrangement calmes, aucun embouteillage n'est venu les encombrer. La grande majorité de la population effrayée par ces manoeuvres de sédition menacant l'unité du pays a jugé plus raisonnable de ne pas sortir, et suivre l'évolution de la situation à la télévision où se tenait des débats enflammés sur les chaines satellite privées.
Le drapeau israélien brûlé place Tahrir (Reuters) 
En milieu de semaine, l'annonce de la condamnation à 5 ans de prison pour corruption de l'ancien ministre du tourisme Zohair Gabana a soulagé la tension ambiante. Elle ne concerne que l'un de ses divers procès en cours et fait suite à celle de l'ancien ministre de l'intérieur Habib El Adli reconnu coupable de blanchiment d'argent et d'enrichissement illicite, avec 12 ans de prison et 2.5 millions de dollars d'amende. Rien de lui échappait : il empochait même une commission sur la fabrication des plaques d'immatriculation. Il doit maintenant faire face à un autre procès pour violence sur manifestants. De son côté, et alors qu'une équipe d'experts suisses venue au Caire pour préciser les démarches nécessaires avant la restitution d'avoir égyptiens gelés dans leur pays, l'ancienne première dame d’Égypte Suzanne Moubarak était aussi été arrêtée... puis atteinte de plusieurs malaises dont un "coma". Dans ces circonstances, son époux ne devrait pas se retrouver seul dans la suite de l’hôpital de Charm El Cheikh, alors que certains la voit bientôt arriver dans la prison pour femmes de Kanater, à une quarantaine de kilomètre au nord du Caire. 
Mais ces condamnations, dont la rapidité conduit à s'interroger sur la régularité de la justice appliquée ces jours-ci  en Égypte, n'ont pas de quoi faire oublier les violences confessionnelles du weekend dernier. L'appel à manifester place Tahrir a été amplement relayé. Il a mobilisé plusieurs centaines de milliers de personnes, mais c'est là que les cartes se sont brouillées.
Car le mois de mai c'est aussi l'anniversaire de la Nakba, "la catastrophe" de la création en 1948 de l’État d’Israël. Une prière de l'aube a donc réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes dés les premières lueurs du matin sur la place Tahrir tandis qu'une marche vers la frontière de Gaza, récemment ouverte par les autorités égyptiennes, était prévue plus tard dans la journée malgré les réticences du ministère de l'intérieur sur ce déplacement de masses. En fin d'après midi, plusieurs milliers de personnes ont cependant  décidé de poursuivre leur manifestation sous les fenêtres de l’ambassade d’Israël, conduisant même l'armée à tirer plusieurs coups de semonce pour les disperser.
Avec le "Vendredi de l'unité nationale " qui voulait réunir musulmans et coptes mais éclipsé par l'appel au "Million pour la prière de l'aube", l'objet initial de la manifestation de Tahrir se retrouvait  complètement modifié dans la soirée. Non sans provoquer les sarcasmes de quelques observateurs égyptiens : "Au lieu de nous occuper de ce qui se passe ailleurs, on ferait mieux de nous occuper sérieusement de nos propres difficultés qui ne manquent pas en ce moment! ". C'est que le vent de la révolution prend des airs de violents tourbillons incontrôlés.

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