vendredi 25 mars 2011

Un épais brouillard politique

Le premier ministre fait le tour des plateaux de télévision, honore les présentateurs vedettes par sa présence, se fend en déclarations diverses... Il n'empêche que la situation politique reste extrêmement confuse depuis le samedi 19 mars, après la tenue du referendum sur les amendements constitutionnels. Avec un malaise diffus et amère : celui de vivre, en silence, une contre-révolution. D'ailleurs, si c'était faux, Essam Sharaf  aurait déjà placé de nouveaux rédacteurs en chef dans les quotidiens gouvernementaux. Mais l'avancée révolutionnaire n'est, sur ce plan, pas très flamboyante.
Les jeunes femmes sont victimes des militaires.
La population attend toujours la déclaration du Conseil suprême des forces armées, aux commandes du pays depuis le 11 février, sur le calendrier politique et en particulier la date des prochaines élections parlementaires et présidentielles. Alors que les jeunes révolutionnaires du 25 janvier apparaissent désemparés et même dépassés par la victoire du "Oui", en raison de leur inexpérience politique de terrain face au mouvement des Frères musulmans socialement très implantés. Alors, comme par impuissance, ils imaginent sur un ton blagueur ce que pourrait être le futur de l'Égypte si cette force venait à réellement prendre le pouvoir. Une attitude qui trahit en réalité une inaptitude à évaluer la situation politique dans son ensemble.
Leurs manifestations se poursuivent, notamment pour réclamer le départ des doyens membres du PND (le parti de Moubarak) à l'Université du Caire, d'où étudiants et professeurs ont été violemment délogés par l'armée mercerdi dernier. Ce jour-même où l'équipe gouvernementale a approuvé une loi criminalisant les grèves et manifestations et tous ceux qui appellent à leur organisation. Sous peine de subir une sanction de 500 000 Livres Égyptiennes (60 000 € ) ou de la prison. Mercredi dernier c'était aussi la reprise des échanges boursiers au Caire, après 50 jours de suspension. Pour rassurer les investisseurs, il fallait bien qu'ils puissent compter sur un fonctionnement normal des entreprises avec des ouvriers sagement dédiés à la tâche.
Les Égyptiens croyaient vivre sous la loi martiale et voilà que le gouvernement approuve une loi qui ne sera pas passée par le parlement, puisqu'il n'existe plus.... Au niveau juridique, c'est aussi le flou complet.  Mais personne ne semble s'en soucier. Ce qui fait scandale en ce moment, et qui est passé sous silence par la presse gouvernementale, ce sont les tests de virginité effectués par l'armée sur les jeunes manifestantes.
Des faits qui révèlent l'animalité cruelle des actuels détenteurs du pouvoir, mais qui font aussi partie du grand social actuel : s'amuser à se faire peur. Les salafistes déclarent que la victoire du "Oui" au dernier référendum est celle de la religion, d'autres se demandent si l'Égypte pourrait connaitre un régime iranien. Mais rien, dans les manifestations en cours, sur les questions touchant le sensible futur politique du pays. Et même pas cette simple revendication: que la prochaine constitution, qui sera rédigée par une commission parlementaire, soit approuvée par référendum.

mardi 22 mars 2011

Décompte

C'est au Caire que les votes "Non" ont été les plus nombreux, lors du référendum du 19 mars. Mais ils n'ont remporté la majorité dans aucun des gouvernorats (Source Al-Ahram).

Le Caire 39.48%
Alexandrie 32.87%
Sharkiya 13.35%
Menya 23.37%
Dakahlia 20.28%
Beheira 12.28%
Kalyoubeya 18.99%
Gharbiya 21.1%
Giza 31.82%
Assiut 26.54%
Mounifeya 13.35%
Sohag 21.35%
Helwan 27.98%
6 Octobre 15.58%
Beni Suef 12.52%
Kafr El Sheikh 12.08%
Fayoum 9.75%
Qena 13.91%
Dumiat 17.22%
Ismaileya 22.11%
Assouan 17.12%
Port Said 29.20%
Louxor 18.47%
Suez 21.16%
Mer rouge 36.62%
Marsa Matrouh 7.58%
Nord Sinai 13.76%
Wadi El Gedid 9.05%
Sud Sinai 33.06%

dimanche 20 mars 2011

"Oui" aux amendements de la constitution

Après les concours du plus joli index marqué d'encre rouge hier (provoqués par l'émotion d'avoir vraiment voté pour la 1ère fois depuis 30 ans), les partisants du "Oui" aux amendements constitutionnels célèbrent bruyamment  leur victoire ce soir. Ils ont été 77.2% contre 22.8% pour le "Non". 45 millions d'électeurs, mais seuls 18 millions sont allés placer leur bulletin, soit une participation de 40%. On aurait pensé beaucoup plus, vu la longueur des files d'attente hier.
Déjà une blague circule par sms : "La nouvelle collection printemps-été 2011 de Tawheed We Noor arrive", du nom de cette chaîne de vêtements très répandue dans le pays, propriété d'un businessman Frère musulman, et spécialisée dans les tenues islamiquement correctes pour femmes.
"Oui"      (Photo : BBC)
Mais une certaine amertume plane dans l'air, même chez les partisans du "Oui".  Parcequ'ils n'ont pas été très réglo les Frères. Leur discours auprès des masses populaires délaissées par l'ancien régime s'est en bonne partie basé sur cet axe : la disparition de l'article 2 de la Constitution, si le "Non" l'emportait. Cet article précise que la loi est basée sur la Charia. Quand on connait la place de la religion dans la société égyptienne, il y a de quoi avoir des sueurs froides chez les plus fervents. Or de nombreux "Oui", n'ont pas fait leur choix sur une considération religieuse, et désapprouvent ce glissement de terrain opéré par les Frères. De leur côté, les révolutionnaires du 25 janvier tirent l'expérience de leur échec : il va falloir partir en campagne de proximité, en prévision des scrutins à venir. La place Tahrir et les réseaux sociaux ne suffisent plus à convaincre les populations reculées.