vendredi 18 mars 2011

Un raté pour les Frères?

Une pause avant le vote (Photo: AFP)
Silence dans les médias. Le Conseil supérieur des forces armées a interdit de faire mention du référendum sur les amendements constitutionnels, prévu demain. Même sur Twitter, quelques activistes s'engagent à ne plus en faire mention. Il faut peut-être bien ça pour calmer les esprits surchauffés. Les innombrables "Talk Shows" à la télé et leurs discussions déstructurées, ont brouillé un peu plus les esprits. D'ailleurs beaucoup se trouvent encore face au choix cornélien d'approuver ou pas ces amendements. D'un côté il y a l'aspiration à la liberté. Et de l'autre, le prix à payer. Avec le nombre de plaintes déposées ces jours-ci à la police militaire pour vol, destruction de bien immobilier, viol, assassinat, falsification de documents de propriété, le choix d'un retour rapide à la stabilité, et donc du "OUI" aux amendements, est attirant. Mais beaucoup n'ont pas encore tranché.
Dans un nouveau sms envoyé ce matin, l'armée défend le vote sur les amendements qui traduit pour elle "la mise de la place de la démocratie" tellement désirée. Elle parle probablement, comme le disait un activiste sur Tweeter, de " la démocratie du fast food qui ne provoquera qu'une indigestion". Dans cette propension à vouloir coûte que coûte la tenue du référendum demain, il y a les Frères musulmans. Car s'ils ne visent pas la Présidence de la république, ils veulent le Parlement. Signe de ces nouveaux temps de campagne, ils inséraient même ces derniers jours des prospectus appelant au "OUI" dans les journaux à grands tirages. Du concentré de marketing... D'autres prospectus étaient distribués pour un vote dans le même sens, sans mention de leur logo. Avec bien sûr un message pour culpabiliser les bonnes âmes : " Voter OUI est un devoir religieux". Mais selon les réactions dans divers milieux, ils ont peut-être poussé la machine de campagne un peu trop loin. Le premier raté de cette démocratie en rodage? 

mercredi 16 mars 2011

Les civils contre les sévices de l'armée

Hillary Clinton est en ce moment au Caire. Ce matin, son convoi blindé a débarqué sur la Place Tahrir pour voir de plus près ce lieu à la consonance devenue presque mythique, et où elle s'est félicitée du processus politique en cours. Mais hier soir, lors d'un face-à-face organisé dans son hôtel, la coalition des jeunes du 25 janvier n'a pas manqué de dénoncer les brutalités outrageantes de l'armée contre les manifestants.
Ce n'était au début qu'une rumeur parmi les dizaines d'autres produites quotidiennement. Puis les informations se sont précisées quand les coptes venus exprimer leur colère, plusieurs jours de suite devant la télévision publique à propos des églises incendiées, n'ont eu comme réponse que les bâtons électriques de l'armée. Avec évidement la menace sous-jacente de se faire tabasser par les "Baltaguis" (hommes de mains) à l'affût, prêts à surgir en cas de débordement.
L'image de l'armée se dégrade dans la population.
Car depuis que la Constitution a été suspendue le 13 février, c'est la loi martiale qui règne en Égypte. Les civils reçoivent donc une réponse militaire quand l'ordre, au milieu des scènes de chaos souvent provoquées par l'incivisme, doit être maintenu. Avec des excès qui expliquent la manifestation d'aujourd'hui, entamée face au syndicat des journalistes et poursuivie devant le musée du Caire, à quelques centaines de mètres. Ce musée du Caire, devenu dans son arrière-cour un centre de maltraitance à ciel ouvert. Avant que les manifestants soient parfois emmenés dans des lieux éloignés pour y recevoir un traitement très proche de la torture. Comme la jeune Samira Ibrahim qui s'est, selon son récit dans la presse, entendue menacée d'un délit de prostitution si sa virginité ne pouvait être prouvée. Les manifestants réclament donc la libération des personnes détenues et que les militaires arrêtent de juger les civils.
Au delà d'une image qui se dégrade de jour en jour, les militaires sont aussi face à des suspicions grandissantes de la population. Leurs habiles manœuvres semblent ne plus tromper personne. De quel côté sont-ils vraiment? Gamal Moubarak, le fils de l'ex-président, est encore en liberté. Il est pourtant considéré comme l'une des causes du soulèvement populaire, lui qui a bradé le pays à ses amis "hommes d'affaires". Il doit "exister une entente avec les militaires pour le laisser tranquille", ce raisonnement devient récurrent.
L'armée ne veut pas non plus d'un report du référendum sur les amendements constitutionnels, prévu le 19 mars. Car "elle ne veut pas garder le pouvoir" dit-elle sur un ton angélique, et "le remettre le plus vite possible aux civils" après les élections. Mais de quels civils s'agit-il? Sans leur donner le temps de s'organiser, de débattre et d'échanger des idées, ce seront les mêmes qu'avant le 11 février.

mardi 15 mars 2011

Le soleil sans les touristes

Le Son et Lumière restera sans public encore longtemps.
Les nouvelles pour le tourisme ne sont pas bonnes. Suite au départ précipité des visiteurs, au lendemain du déclenchement des affrontements entre la police et les manifestants le 25 janvier dernier, l'espoir d'accueillir à nouveau les européens sur le sol égyptien pour quelques jours de vacances, est repoussé de plusieurs mois. Les nouvelles arrivent directement du Salon International du Tourisme 2011 à Berlin, l'un des plus importants du secteur. Et elles contredisent les effets d'annonces sur la levée de l'interdiction, dans plusieurs pays occidentaux, de se rendre en Égypte. Car il ne suffit pas de rassurer les visiteurs potentiels sur la stabilité du pays. Le vrai pouvoir est entre les mains des Tour opérateurs. La décision sur l'opportunité financière de revenir dans le pays leur appartient. Dans le cas de l'Égypte, ils ont perdu beaucoup d'argent en raison des annulations de séjour en série provoquées par le soulèvement populaire. Peu importe donc la destination dans le pays, la visibilité politique sur plusieurs mois importe le plus. Sharm-el-Cheikh ou Hurgada, épargnées par les manifestants, ne s'en sortiront malheureusement pas mieux que les autres villes.
Les efforts du nouveau ministre du tourisme semblent donc être voués à l'échec. Visiter les "sites de la révolution" ou même inviter des personnalités médiatiques pour les voir s'émerveiller en direct sur la situation redevenue idéale au niveau sécuritaire, ne fera pas déplacer les familles à la recherche du soleil. Tout simplement parce que l'ensemble des tours opérateurs européens ne compte pas fouler la terre des Pharaons avant l'élection d'un nouveau Président de la république. Soit à l'issue d'un processus politique qui prendra plusieurs mois, voire une année entière. C'est ce qu'ils viennent d'affirmer à Berlin. Pour mieux être attirés, ils ont aussi posé des conditions tarifaires aux hôtels : des rabais minimum de 30%, avec une préférence pour une réduction de moitié des tarifs, devront être concédés sur les contrats déjà signés en 2010.  Reste à jouer la carte des visiteurs nationaux. Mais les directeurs d'hôtels doutent du succès.

dimanche 13 mars 2011

Le référendum qui menace la révolution

Pour El Baradei, le changement va trop vite.  (Photo : Aljazeera)
Avec le référendum sur les amendements constitutionnels, c'est le futur de la révolution qui se joue. Il est prévu le 19 mars, mais aura-t-il vraiment lieu? C'est la question qui se pose encore, à quelques jours de sa tenue. Car s'il est accepté par la majorité de la population, l'ancien régime consolidera l'assise dont il dispose encore. Le comité de révision de la Constitution formé quelques jours après la chute de Moubarak - qui ne comptait d'ailleurs aucune femme ni aucun membre de la communauté copte- a certes répondu à certaines demandes des manifestants. Ainsi et entre autres, l'article 77 limite désormais le mandat présidentiel à 4 ans tandis que l'article 139 impose la nomination d'un vice-président... Mais quelques opposants à l'ancien régime, comme Mohamed El Baradei, souhaiteraient que le référendum soit reporté dans l'attente d'une révision complète de la Constitution, puisque les amendements actuels ne sont qu'apposés à un système entièrement corrompu. A noter ici que ce sont cette fois les juges qui devraient superviser le scrutin conformément au nouveau texte constitutionnel, or ils semblent ne pas encore avoir été contactés.
El Baradei exprime, dans une sagesse qui peine à faire oublier son manque d'engagement dans la pré-révolution, la nécessité de former un Conseil présidentiel. Celui-ci serait en charge de rédiger une nouvelle Loi fondamentale avant la tenue d'élections législatives, puis présidentielles. L'intervalle supplémentaire permettrait aussi aux partis d'opposition de s'organiser ou même de se former.
Mais les Frères musulmans poussent dans le sens contraire.  Ils cherchent à sortir de la période de transition au plus vite, et organiser des élections législatives dont le résultat leur sera pour l'instant très favorable puisqu'ils représentent la seule force politique structurée. Le paradoxe de la révolution apparait alors au grand jour : les manifestants ont réussi à se défaire de Moubarak, pour ne voir revenir que l'ancien régime et ses vieilles pratiques... face à une opposition bien connue et réprimée pendant 30 ans !