mercredi 9 mars 2011

La tentation confessionnelle

Égyptiens, soyez vigilants !
Cette semaine, la violence est de retour dans le pays. Soit quelques jours après que la Sécurité d'État, l'un des fondements du régime Moubarak, ait été sérieusement malmenée par les manifestants. Curieuse coïncidence. Mais c'est le seul langage de ceux qui sentant la fin venir, se débattent pour garder la tête hors de l'eau. La violence, c'est leur savoir-faire, ils n'ont aucun autre argument. D'ailleurs sans eux, c'est le chaos. Personne n'est plus dupe, mais c'est le message qui doit passer.
La stratégie a commencé dans le gouvernorat de Helwan, connu pour ses cimenteries, au sud du Caire. Une église a été incendiée pour une romance entre un copte et une musulmane. Illégal, sauf si le jeune se convertit à l'islam. Cela arrive, mais c'est extrêmement rare. Mardi, les salafistes sont entrés dans le jeu, avec une manifestation devant le Conseil d'Etat pour réclamer "Camélia", cette copte convertie à l'islam il y a quelques mois afin de divorcer et depuis "kidnappée" dans un monastère, estiment-ils. Ces manifestants, quelques centaines, ont ensuite pris la direction de la place Tahrir où les femmes manifestaient à l'occasion de la journée du 8 mars, pour une meilleure représentation dans les discussions en cours sur les amendements constitutionnels. En milieu d'après- midi, des hordes de nervis sont arrivées pour disperser le rassemblement. A la tombée de la nuit, les affrontements se sont étendus sur la colline de Moqattam dont une partie est occupée par les chiffonniers, en majorité coptes, qui protestaient contre la mise à feu d'un de leurs lieux de culte. En tout 13 personnes ont trouvé la mort et 140 ont été blessées à l'issue des heurts entre chrétiens et musulmans. 
Salafistes devant le Conseil d'État.
Mercredi, la place Tahrir était encore occupée pour obtenir  le procés de l'ancien président Moubarak, la fin de l'état d'urgence, la libération des personnes arrêtées par les militaires et la dissolution de la Sécurité d'Etat. Mais c'était compter sans la pluie de cocktails Molotov et de caillasses des "Baltaguis", ces hommes du régime renversé, apparus soudainement sur les toits et rues avoisinantes. La place Tahrir est redevenue un champ de bataille... Avant que l'armée ne décrète le début du couvre-feu à 21 heures, au lieu de minuit.
Pour calmer l'extrême tension de la population des appels à débats sont lancés par sms. Ils sont organisés ce mercredi soir dans différentes églises du Caire et rassemblent diverses personnalités des deux confessions. Ces violences frontales ne sont que le fait de manipulations, elles ne se sont jamais manifestées au cours d'autres périodes difficiles traversées par l'Égypte. Le message doit être clair et compris, avant de tomber dans le piège.

dimanche 6 mars 2011

L'Etat touché au coeur

Documents déchiquetés (Photo: Youtube).
Avec la démission du 1er ministre Shafiq jeudi dernier, c'est sans aucun doute une nouvelle page de l'histoire égyptienne qui se tourne. Le départ de celui qui avait été désigné par Moubarak dans l'espoir de calmer les manifestants, a provoqué des mouvements de foules vers les immeubles de la Sécurité d'État (Amn Al Dawla en arabe). Redoutée et détestée par la population, c'est elle qui pendant 30 ans a scruté, analysé, rapporté les moindres faits et gestes de la population et fait disparaitre les citoyens suspects, ceux qui présentaient une menace pour la stabilité du régime. Même si la plupart des documents compromettants ont été détruits avant le départ de Shafiq, hier des snipers étaient encore postés sur les toits pour empêcher les manifestants d'avoir accès aux archives. Les coups de feu ont conduit l'armée à intervenir. Une fois à l'intérieur, le sentiment est le même que celui des libyens découvrant les installations secrètes de Kadhafi. On y découvre des cellules, de longues allées souterraines de dossiers, des fausses portes, et même des tombes...
Certains, ébahis, se saisissent des documents sur les étagères et se mettent à lire les rapports dressés sur des particuliers ou des affaires sérieuses comme l'attaque meurtrière d'une église d'Alexandrie en janvier dernier. Des vidéos sont saisies, certaines seraient même des "sex-tapes", probablement objet de chantage sur quelques personnalités en compagnie compromettante. On se demande comment elles ont été tournées...
Incrédules, des manifestants décident d'emporter des dossiers à la maison à la recherche de preuve d'atteintes aux droits de l'homme, pour ensuite attaquer en justice les responsables impliqués. La tendance a poussé l'armée à envoyer par sms son communiqué n°27, incitant les plus zélés à lui faire confiance sur la poursuite et la sanction des anciennes personnalités du régime. Le dépouillement a commencé dans la ville d'Alexandrie, pour ensuite monter au Caire et il touche maintenant tout le pays.
Les jeunes de la place Tahrir Shafiq ont longtemps réclamés le remplacement de Shafiq, qui s'accrochait au poste. Probablement à la demande de Moubarak, conscient que ce dernier fidèle officiel constituait le dernier rempart avant de toucher au cœur la citadelle et supprimer le système à jamais.
Désormais, c'est un projet de Wikileaks version égyptienne qui attend de voir le jour grâce aux documents saisis. Il risque d'être bien plus passionnant que l'original.