samedi 12 février 2011

Révolution et grand nettoyage


"Désolé pour le dérangement : on construit l'Égypte."
Dans la nuit du 11 février 2011, l'Egypte a sans aucun doute connu la plus folle des célébrations de ces 50 dernières années. C'était galvanisant.
Après une très courte nuit, je me dirige chez Simonds où je prends parfois un café le matin. Après, je veux rejoindre la Place Tahrir pour quelques photos avant que "La Nouvelle République de la Liberté" comme a été surnommé le lieu, se dissolve et imprime sa marque dans le reste de la ville et du pays.  Du moins espérons-le.
C'est un jour historique, j'achète en chemin plusieurs titres de presse :
- "Les ventes doivent être record aujourd'hui" dis-je au marchand que je connais depuis des années.
- "Ouai, ça va... 
- Qu'est-ce-qui se passe, t'es pas content des événements d'hier?!
- Bof, on jette pas un homme ça. C'est comme si tu liquidais un type qui t'as nourri pendant plusieurs années parce qu'il a oublié de te donner un repas : ça se fait pas".
Mon téléphone se met à sonner. Je prétexte un appel important pour écourter la conversation.

Je supporte l'énorme embouteillage, et j'arrive finalement sur Tahrir. Hier soir, et malgré la maintenance régulière des manifestants pendant 18 jours, les alentours de la place étaient ...disons sales - c'est un faible mot- pollués par des boites plastique de Koshari à emporter et autres détritus. Mais là, en cette matinée ensoleillée, des centaines de volontaires sont à l'œuvre. Gantés, armés de balais, pelles, sacs plastique, ils nettoient les rues. Hommes et femmes de tous les âges et classes sociales forment de vrais petits bataillons, au milieu d'une foule immense et euphorique. On est encore en pleine célébration, avec le profond sentiment d'avoir accompli un devoir. Couvertures, tentes et autres bâches commencent pourtant à être rangées. Il y a des recalcitrants, mais l'armée se montre ferme : " 'va falloir plier bagages messieurs-dames..."

"C'est le grand balayage du pays".
Le portable se remet à sonner. C'est mon ami Sameh, il est pharmacien. Et pro-Moubarak, en reconnaissance de la stabilité politique de ces 30 dernières années qui a jusque-là bien fait tourner ses affaires.
- "Dis donc, tu en penses quoi des événements d'hier? me dit-il.
- " J'en pense que c'est une étape difficile, avec beaucoup d'incertitudes à l'horizon, mais par laquelle le peuple égyptien a voulu passer pour un avenir libéré de l'oppression"
- Ok...et les Frères musulmans? Les États-Unis les redoutent!
- Je crois plutôt que c'est l'ancien régime égyptien qui agitait cet épouvantail....
- Ah bon?".
Je comprends son inquiétude : l'ensemble des coptes redoute cette formation politique de barbus. Alors qu'elle est loin de dominer parmi les auteurs de la Révolution égyptienne. Et comme beaucoup d'autres, je pense aussi qu'elle disparaitra avec le régime Moubarak. "They will vanish!", affirment-ils.


En fin d'après-midi, je m'installe avec un groupe d'amis dans un café, histoire qu'ils savourent un bon narguilé. On apprend que les autorités algériennes, pour asphyxier les manifestations en cours, ont restreint l'accès à Facebook et Twitter, ces réseaux sociaux sur Internet qui ont rendu les choses possibles en Égypte. Elles ont aussi bloqué les accès à la capitale. " On connait le scénario, les manifestants devraient recruter un consultant égyptien !" lance un des fumeurs. Éclats de rires : " Aux mêmes maux, les mêmes erreurs..."


Déjà en vente : "  La médaille d'honneur de la Révolution du 25 janvier 2011" (Jour de début des manifs)

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